• Le KABUKI

     

    Les racines du Kabuki...

    Le Kabuki est la forme de théâtre japonais traditionnel et populaire par excellence.
    Tout d'abord, un peu de linguistique:
    Kabuki est un mot composé de trois termes: Ka pour musique, Bu pour danse et Ki pour jeu de scène. 

    Les origines du Kabuki remontent à la fin du XVIe siècle, un peu avant l'avènement au pouvoir de la famille

     Tokugawa, sous le règne du Shogun Toyotomi Hideyoshi (1536-1598). Dans les plus grandes villes on pouvait voir des artistes de rue déguisés en étrangers pour jouer de petites scénettes. 
    On les qualifiait de Kabukimono (ou "ceux qui sortent des sentiers battus").

    C'est au même moment que dans le district d'Izumo (aujourd'hui Shimane) qu'une 

    prêtresse nommée Okuni introduisit la danse dans ce genre de divertissement populaire.
    Elle est considérée comme étant la fondatrice du théâtre Kabuki. Mais il n'a alors pas encore acquis la forme que nous lui connaissons. 

    On date ses premières représentations aux alentours de 1603.
    Okuni vint à Kyôtô (ancienne Heian) pour exécuter ses danses qui étaient baptisées Yayako Odori et Nenbutsu Odori. Des écrits de l'époque relatent ces danses: ainsi, Okuni se déguisait en homme (en fait en étranger, le but recherché n'était pas de se travestir mais de figurer un "barbare"). Elle racontait au travers de ses performances des histoires d'hommes fréquentant des prostituées dans un bordel.

    Le succès fut rapidement au rendez-vous et dans le sillage d'Okuni, de véritables prostituées montèrent sur scène pour jouer de nouvelles pièces.

    Ces représentations furent affublées du surnom de "Kabuki des prostituées": la différence fondamentale avec les pièces de la fondatrice étant que les actrices allaient coucher avec des spectateurs à la fin de la pièce. 
    Le pouvoir des Toguwa récemment mis en place, devant cette immoralité va bannir par un décret tout personnage

     joué par une femme. 
    De jeunes hommes jouent alors les personnages féminins. On appelle ces pièces "Wakushu Kabuki" et c'est ainsi l'apparition des Onnagata ("à la manière d'une femme): tous les rôles de femmes sont joués par des hommes. 

    Cette caractéristique du théâtre Kabuki a perduré jusqu'à nos jours.

    Mais ces jeunes hommes ont parfois une apparence si féminine qu'ils s'attirent également les faveurs des spectateurs mâles.
    Encore une fois, l'autorité va sévir en 1652 et décide que seuls des hommes d'âge mûr pourront endosser des rôles de femmes. 
    Ce dernier évincement de jeunes acteurs s'accompagne de réformes imposées par le shogunat: les coupes de cheveux sont réglementées, le jeu de scène et l'histoire doivent primer sur la danse et la musique.

    On peut trouver un bon côté à toute chose: en l'occurence l'intervention du pouvoir en place va permettre au

     Kabuki de s'épanouir en devenant une forme d'art à part entière et surtout de devenir du théâtre.

    Le Théâtre Kabuki va ensuite suivre deux évolutions différentes; mais les emprunts mutuels entreles deux nouveaux styles ne cesseront pas jusqu'à l'avènement de lère Meiji (1868).
    C'est entre 1680 et 1705 que les pièces de Kabuki vont se différencier. A Tôkyô (ancienne Edo) et à Kyôtô, le Kabuki va se développer selon les goûts et le statut social des habitants.
     

    Le style Héroïque d'Edo



    Edo était une ville peuplée de nombreux samourais. En toute logique, les pièces jouées mettent en scène 
    des personnages qui reflètent leurs valeurs.
    Ainsi se développe le style Aragoto ou style héroïque: la pièce originelle est surjouée, le jeu de scène est exagéré.
    Et surtout, l'action prime sur les autres aspects.
    L'acteur Ichikawa Danjûrô I (1660-1704) est considéré comme le premier acteur ayant 

    renjishi_pic1.gif

    excellé dans ce style: il s'est fait remarquer dans la première pièce du style Aragoto appelée "Shitennô Osanadachi" au
    théâtre Nakamura. Ichikawa est monté sur scène avec un maquillage présentant une expression faciale d'intense sévérité (kumadori) et son corps était peint en rouge. 
    Il exécuta un impressionnant tachimawari (combat codifié).


    Les pièces sont jouées dans de nombreux théâtres, mais originellement, seuls 4 établissements étaient officiellement
    reconnus par le shogun qui leur avait délivré un permis. Les autres lieux de représentation de pièces Kabuki étaient donc illégaux.

    Une fois le permis acquis, le théâtre pouvait arborer un yagura (une petite tour) sur le toît. Ce yagura était donc
    le symbole de la licence officielle du shogun, qui faisait la fierté du zamoto (chef du théâtre).
    Les quatre théâtres étaient donc le Nakamura-za, l'Ichimura-za, le Morita-za et le Yamamura-za. Ce dernier toutefois perdit sa licence, et l'on parla donc des "3 théâtres d'Edo". 

    Ensuite, l'écriture des pièces diffère et se concentre sur la vie des samouraïs. C'est le style Jidaimono que l'on peut
    rapprocher des films appartenant à la catégorie des Jidai Geki ou films d'époque, à ceci près que les pièces de Kabuki relatent des histoires se déroulant antérieurement au XVIIe siècle.



    Les thèmes abordés par ces pièces sont le plus souvent les batailles entre les clans Genji et Heike, ou encore entre
    le Daimyô et la famille Datte. L'écriture des pièces se complexifie, et c'est désormais en équipe que la conception des
    nouvelles oeuvres s'effectue.
    Le jeu de scène est ultra-codifié, les costumes sont très réalistes. Le japonais employé est ancien, seule une oreille habituée pourra comprendre les dialogues.
    Le Kabuki évolue encore, et s'oriente vers un style qui va décrire avec fidélité la vie du peuple. C'est le style sewamono (que l'on peut aussi rapprocher du cinéma avec les films d'Ozu, des "Shomin Geki" (films sur le petit peuple)).
    L'acteur Ichikawa Danjurô VII va écrire un ouvrage qui va servir de référence absolue: c'est le livre "jûhachiban" (les 18).
    Il y répertorie les 18 pièces considérées comme majeures. 
    Mais aujourd'hui, seules 3 d'entre elles demeurent populaires. 
     

    Le style Réaliste du district de Kamigata (Kyôtô)



    La ville de Kyôtô était peuplée par de très nombreux marchands. Les pièces de Kabuki se sont orientées
    dans une autre direction en faisant un portrait plus réaliste de la vie quotidienne. L'étude des pièces de style Wagoto (style réaliste) permet de mieux comprendre la vie au Japon sous le règne du shogunat des Tokugawa.

    Sagi Musume: Kabuki Dance



    Le premier acteur que l'on peut assimiler à ce style fut Sakata Tôjurô I (1647-1709).
    Les pièces dans le style wagoto avaient une approche relativement atypique, la plupart du temps, le héros, un vrai gentleman, tombé amoureux d'une prostituée est rejeté par sa famille. Une sorte de "Pretty Woman" avant l'heure.

    Chikamatsu Monzaemon (1653-1724) fut un écrivain très prolifique de pièces wagoto.

    Puis émerge rapidement un nouveau style, le Maruhon Kabuki (hon=vrai, vraiment). Il se concentre sur la
    structure narrative, ce à quoi ce sont appliqués des auteurs comme Chikamatsu Monzaemon ou Takeda Izumo. 

    La suite des évènements est plus logique. C'est une évolution du Kabuki car le public commençait à s'en détourner pour aller voir les spectacles de Bunraku (poupées) dont la structure narrative était plus simple. De plus, on introduit alors le jôruri (une sorte de voix-off qui commente le dérou-lement de la pièce issu du Bunraku) et le gidayû, une musique lancinante pour accompagner dramatiquement la pièce.

    C'est pendant cette période que furent écrites les plus grandes pièces du théâtre Kabuki: Kanadehon Chûshingura


    (La revanche des 47 rônins), Sugawara Denju Tenarai Kagami, Yoshitsune Senbon Zakura (Les milliers de cerisiers
    de Yoshitsune).
    Durant l'âge d'or du Kabuki, il n'était pas rare qu'une pièce se jouait de l'aube jusq'à la tombée de la nuit. Le public
    assistait au spectacle, mangeait et bavardait. Jouer une pièce dans son entièreté se dit "Tôshi Kyôgen".
    De nos jours, le rythme de la vie ne permet pas de jouer si longtemps une pièce; et même si à d'exceptionnelles occasions
    on annonce un "Tôshi Kyôgen", il manquera toujours quelques scènes.
    Aujourd'hui on joue des Midori (terme issu de Yoridori midori ("vous pouvez choisir ce que vous préférez"):
    c'est une sorte de "best of".
     


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :